Flavien VIGUIER |
S U I V I D E S M O U V E M E N T S D E S O U V R A G E S
E N T E R R E D E L A S N C F P A R L A S E R G R A M M E T R I E
Société d’accueil : SNCF
PFE présenté par : Flavien VIGUIER
Directeurs du PFE : P. HALLE / J.C. DANJON
Correcteurs : P. GRUSSENMEYER
J. LEDIG
1. Introduction
Dans le but d’améliorer la qualité des auscultations des mouvements des ouvrages en terre,
la Division de Topographie de la SNCF a décidé de ester les capacités d’une nouvelle technologie : la lasergrammétrie. En effet, après analyse des méthodes utilisées jusqu’à ce jour (Suivis par nivellement, par tachéométrie et par GPS), nous avons constaté qu’il ne nous était possible de quantifier que des mouvements, ponctuels et localisés, caractéristiques des désordres géologiques étudiés.
L’utilisation d’un laser scanner, instrument employé lors de levers lasergrammétriques, qui est capable de mesurer quasiment en temps réel un ensemble de points appelé nuage, pourrait contourner cette lacune. Chaque opération ainsi réalisée nous permettra d’obtenir un modèle en 3 dimensions du terrain qui, après comparaison avec les opérations précédentes, nous indiquera les zones sujettes à des mouvements. Nous pourrons alors quantifier la totalité des déplacements.
2. Les objectifs
Réaliser l’inventaire des techniques d’auscultations d’ouvrages en terre actuelles et analyser leurs précisions.
Tester différents lasers scanners (Leica HDS 3000 et Trimble GX) au cours d’opérations de suivis de mouvements.
Etudier les capacités des logiciels de traitements et les précisions instrumentales
Etudier les documents livrables à partir de données lasergrammétriques
3. Les techniques actuelles d’auscultation
La Division de Topographie de la SNCF est actuellement chargée d’un grand nombre de suivis de mouvements d’ouvrages en terre situés en milieu ferroviaire. Afin de contrôler les déplacements, le service met en place un réseau de points qui est constitué de deux niveaux distincts : un réseau de références stables (situéhors des zones à risques) et un réseau de stations et de repères de contrôle positionné au cœur des parties de l’ouvrage sujettes à mouvements.
Pour réaliser ces auscultations, la Division utilise différentes méthodes de levers qui sont présentées ci-dessous. Le choix de l’une ou l’autre technique de lever est bien entendu réalisé en fonction de la configuration du terrain et de l’amplitude des mouvements à détecter. Les déplacements à quantifier sont la plupart du temps de l’ordre de 2 à 3 centimètres par an.
Suivis altimétriques
Les mesures altimétriques sont mises en place lors de suivis de mouvements de déblais ou de remblais ferroviaires. Ainsi, afin d’assurer la qualité des mesures, les opérations d’auscultations altimétriques sont effectuées à l’aide de niveaux numériques de type Dini 12 ou Leica NA 3003 (cf. figure 1 et 2) couplés à des mires en Invar. Nous réalisons alors des cheminements doubles de type « Cholesky ». D’autre part, ces
cheminements font l’objet d’un nivellement aller-retour. Une fois la méthode de mesure définie, nous avons étudié les capacités de la technique. L’étude théorique nous fournit une précision de ± 0.2 mm, néanmoins après prise en compte des contraintes de l’environnement ferroviaire (Passage de trains, effet de souffle…) nous fournissons les résultats à ± 1 mm.
Les mesures de nivellement sont, la plupart du temps, couplées à des mesures planimétriques (que ce soit par GPS ou par tachéométrie classique). En effet, il est souvent indispensable de déterminer l’ensemble des mouvements subis par l’ouvrage. La seule mesure altimétrique n’est alors pas suffisante.
Suivis planimétriques (tachéométriques)
Les mesures planimétriques sont effectuées lorsqu’il est nécessaire de déterminer les mouvements transversaux voire longitudinaux auxquels sont soumis les différents ouvrages en terre. Ces mesures sont indispensables lorsque l’ouvrage est implanté dans une zone très instable mais peuvent aussi être effectuées en présence d’ouvrages de taille importante (d’une longueur supérieure à 100 mètres).
La plupart des sites suivis par la SNCF étant inaccessibles nous auscultons les points de contrôle, par mesures angulaires uniquement (Intersections spatiales). L’ensemble des mesures est bien évidemment effectué par l’intermédiaire de la méthode du centrage forcé. Pour cela nous utilisons des instruments de type Leica TCA 2003 ou Trimble 5601 (cf. figure 3). Après étude et prise en compte de la plupart des erreurs de mesures (et des contraintes ferroviaires) nous estimons la précision de ces mesures à ± 3 mm.
Suivis planimétriques et altimétriques par GPS
Les suivis de mouvements d’ouvrages par GPS sont mis en place lorsque nous sommes en présence d’ouvrages en terre de superficie très importante (Longueur supérieure à 500 m et surface supérieure à 20 000 m²) sujets à des mouvements de grande ampleur (Déplacements de plusieurs centimètres par an).
Chaque point, mesuré en mode G.P.S. Temps Réel (à l’aide d’instruments Leica System 300, 500 ou 1200) est stationné deux fois à deux moments distincts. Cette double détermination, avec des satellites différents, permet de garantir la fiabilité des résultats. De cette manière, nous obtenonsune précision de ± 1 cm en planimétrie et ± 2 à 3 cm en altimétrie (précisions basées sur des études empiriques).
Nous pouvons constater ici que les fluctuations observées ne sont que ponctuelles dans l’espace. Cette information ponctuelle est la principale voire la seule limite des techniques actuelles. Ainsi, afin de contourner ce problème nous avons testé les capacités des scanners lasers, qui permettent la mesure de la totalité de l’objet à ausculter.
4. Présentation du laser scanner
On appelle « laser scanner » un type d’instrument q ui mesure automatiquement et de manière quasi immédiate un ensemble de points (appelé nuage) connu dans un repère X, Y, Z. Ces instruments à mesure active (car ils émettent leur propre rayon laser et ne nécessitent aucun éclairage extérieur), combinent la mesure de distances à celle de la rotation de deux miroirs oscillants (l’un autour de l’axe horizontal et l’autre autour de l’axe vertical) pour déterminer la position planimétrique et altimétrique de chaque point mesuré (cf. figure 4).
Le système
enregistre également l’intensité du signal reçu ce qui permet de distinguer les objets par leur réflectivité.
Après analyse des capacités des différents lasersscanners présents sur le marché (scanner laser à triangulation, à mesure de phase et à mesure de temps de vol), nous nous sommes orientés vers le Leica HDS 3000 et le Trimble GX qui sont
deux scanners à temps de vol qui permettent de réaliser des mesures jusqu’à des distances d’environ 200 mètres. Ces deux instruments sont présentés dans la figure 5.
Contrairement aux instruments de topographie classique, comme les stations totales par exemple, la qualité des lasers scanners n’est pas simplement définie par la précision des mesures angulaires et de distances. En effet, ces instruments se caractérisent également par leur résolution,la taille du spot laser et l’intervalle minimum angulaire.
Par ailleurs, d’autres paramètres, indépendants de l’instrument utilisé, tels que la réflectivité de l’objet scanné et les conditions environnementales agissent directement sur la précision des mesures.
5. Le traitement des données
Le traitement des données représente la majeure et la plus difficile partie de la lasergrammétrie car le projeteur doit acquérir une nouvelle façon de penser. En effet, la réflexion ne s’effectue plus à partir d’un semis de points en deux dimensions mais se base sur un semis de plusieurs millions de points dessinés en trois dimensions.
Afin de connaître les capacités des outils fournis par les constructeurs, nous avons analysé les différentes techniques de regroupements de nuages. Ce regroupement consiste en la fusion des différentes stations de lever dans un seul et même projet. Pour cela deux techniques sont envisageables (d’autres méthodes peuvent être utilisées mais ne sont pas adaptées aux auscultations d’ouvrages en terre) : le regroupement « nuage par nuage » qui permet de regr ouper les nuages de points en fonction de leurs géométries et le regroupement par cibles qui se base sur la mesure des références positionnées sur le terrain. Ces deux techniques nous ont fourni des résultats différents, c’est-à-dire une
précision de regroupement de l’ordre de 5 mm pour la méthode se basant sur les cibles contre 6 mm pour la technique de consolidation nuage par nuage.
Par ailleurs, lors de ces opérations de consolidation nous avons constaté des dédoublements de points, comme nous le montre la figure 6, qui semblent être essentiellement dus à des problèmes de mesures lors des opérations de terrain. Toutefois, ces phénomènes sont moins importants pour le regroupement à base de cibles, ce qui nous laisse penser que cette méthode est la plus adéquate lors d’auscultations d’ouvrages en terre.
6. Etude de la précision des instruments
Afin d’analyser la précision des lasers scanners, nous avons effectué différents tests permettant de confronter la lasergrammétrie aux techniques de levers classiques par intersections spatiales. Ainsi, deux ouvrages en terre (un déblai et un remblai ferroviaire) situés sur la ligne Montauban – Les Aubrais ont été auscultés à l’aide de cette nouvelle technologie. Chacun de ces ouvrages est équipé de points de contrôle qui sont matérialisés par des pointes (cf. figure 7).
Les mesures ont été réalisées à l’aide de deux méthodes différentes : la méthode du centrage forcé à l’aide du Trimble GX et l’utilisation de l’outil « resection » lors du lever avec le Leica HDS 3000.
Nous avons alors scanné avec précision les pointes(avec un pas de mesure compris entre 1 mm et 3 mm à 100 mètres) afin de pouvoir déterminer les coordonnées du sommet.
Dans un souci de recherche de la méthode présentant le meilleur rapport qualité / prix, nous avons effectué le traitement des coordonnées des pointes (mesurées à l’aide de l’instrument Leica) de deux manières différentes :
- Mesure directe sur le nuage de points comme le présente la figure 8.
- Mesure des coordonnées après modélisation de la pointe. Cette modélisation a été effectuée à l’aide d’un cylindre. En effet, le cylindre et le cône étant parfaitement coaxiaux nous pouvons constater que la pointe s’inscrit dans un cylindre (Cf. figure 9).
Cylindre modélisé
Figure 8 : Mesure directe sur le nuage de points
Point mesuré
Figure 9 : Modélisation d’une pointe
Ces deux méthodes nous ont fourni des résultats sensiblement similaires soit ± 8 mm en planimétrie et ± 9 mm en altimétrie pour la mesure directe contre ± 9 mm en altimétrie et planimétrie pour la modélisation. Ceci nous permet de penser que la mesure directe représente le meilleur rapport qualité prix car la modélisation des objets entraîne la mise en place de traitements longs et fastidieux qui ne permettent pas d’améliorer la qualité des mesures.
Nous avons ensuite comparé les différents scanners utilisés aux techniques d’auscultations actuelles. Les coordonnées des pointes ont bien évidemment servi de comparaison. Nous avons alors obtenu les résultats suivants :
- Trimble : Ecart type planimétrique ± 6 mm et écart type altimétrique ± 8 mm.
- Leica : Ecart type planimétrique ± 8 mm et écart type altimétrique ± 9 mm
Les résultats présentés ci-dessus ne peuvent être atteints que lors de l’utilisation du pas le plus fin de mesure fourni par l’instrument.
Nous pouvons observer que les instruments ont une précision quasiment identique qui est de l’ordre du centimètre. Cette précision semble être suffisante pour l’auscultation d’ouvrages en terre car les mouvements significatifs de ce genre d’ouvrages sont de l’ordre de ± 2 à 3 cm.
Par ailleurs, l’analyse des données et des distances mesurées nous montre qu’il est préférable de travailler dans une plage de distance de 0 à 50 mètres. En effet, à partir de 50 mètres les dérives angulaires et en distance deviennent très importantes (environ 6 mm à 100 m). Par conséquent, les mesures pour des distances supérieures à 100 m sont à proscrire.
7. Documents réalisables
Une fois l’analyse des précisions instrumentales effectuée, nous avons étudié les différents traitements des nuages de points réalisables. Ainsi, nous avons pu constater qu’il est aisé de dessiner des profils en long, des profils en travers ainsi que de calculer des cubatures en n’importe quel point du nuage. Par ailleurs, il est possible de modéliser l’objet afin d’obtenir un modèle en trois dimensions. Cet outil nous semble particulièrement intéressant car, par comparaison des différents modèles 3D, nous pourrons effectuer une cartographie d’erreur présentant les mouvements subis par l’ouvrage ausculté.
Il semblerait que les suites logicielles fournies par les constructeurs ne soient pas à ce jour, suffisamment développées. En effet, il nous est impossible de créer des profils (en long ou en travers) de la même manière que Covadis par exemple (mise en place d’un plan de comparaison, détermination des distances partielles et cumulées…). Nous pouvons tout de même penser que ce problème, qui est certainement dû à la nouveauté des systèmes, va être corrigé dans un avenir proche.
8. Conclusion
Ce projet nous a permis de tester et de découvrir une nouvelle méthode d’auscultation d’ouvrages en terre qui pourra, peut être, révolutionner les techniques de suivis. La capacité des instruments à mesurer une grande quantité de points dans un laps de temps réduit nous permet de réaliser des levers exhaustifs des différents objets scannés.
Néanmoins, cette méthode d’auscultation ne doit pas faire disparaître les techniques actuelles (Suivis par nivellement, par tachéométrie et par GPS). En effet, la précision des lasers scanners ne nous permet de mesurer que des mouvements centimétriques tandis que les méthodes traditionnelles sont capables de détecter des mouvements de quelques millimètres.
Cette étude nous permet de conclure qu’il est préférable voire indispensable de coupler les différentes techniques lors de l’auscultation d’un ouvrage naturel. De cette manière, à l’aide du scanner laser nous pourrons déterminer les zones à risques qui devront être équipées de points topographiques à ausculter par méthode classique. Ainsi, nous développerons notre connaissance du terrain et nous pourrons présenter au client un suivi plus accompli qu’actuellement.
Cette amélioration de la qualité des suivis va entraîner un coût de mesure supplémentaire. Ce surplus financier doit tout de même être rapporté à la possibilité d’amélioration de la sécurité ferroviaire.