Journées de la Topographie
du 2 au 4 octobre 2006

 

Laëtitia Brosolo

C A R A C T E R I S A T I O N   G E O A C O U S T I Q U E   D E S   S O R T I E S   D E   F L U I D E S 
S U R   L E   D E L T A   P R O F O N D   D U   N I L ,   À   P A R T I R   D E S   D O N N E E S   D E 
G E O S C I E N C E S   A Z U R  

 

 Société d’accueil : Laboratoire Géosciences Azur
PFE présenté par : Laëtitia Brosolo
Directeur (directrice) du PFE : M. Mascle Jean
Correcteurs : M. Ferhat et Mme Landes

 1. Introduction

Ce projet de fin d’études s’est déroulé au laboratoire Géosciences Azur, une Unité Mixte de  Recherche du Centre National de la Recherche Scientifique localisée en partie à Villefranche-sur-mer.  Cette UMR, créée en 1996, est structurée en quatre équipes de recherche dont Géomer traitant des  Géosciences  marines.  Cette  équipe  conduit  des  programmes  scientifiques,  en  association  avec  de  nombreux autres laboratoires, articulés autour de quatre grandes thématiques.
L’étude  menée  ici  s’inscrit  dans  la  thématique  des  « Transferts  sédimentaires  et  fluides  en  domaine  marin  profond »  et  a  pour  but  d’analyser  la  morphologie  et  la  réponse  acoustique  d’une  structure géologique spécifique appelée « Caldera Ménès ». La Caldera Ménès, se situe dans le delta  profond   du   Nil   au   large   de   l’Egypte,   et   représente   une   des   nombreuses   manifestations   de  phénomènes  de  dégazage  de  sédiments  sous  compactés  enfouis  sous  d’épaisses  accumulations  sédimentaires en Méditerranée orientale. Dans  des régions à fort potentiel pétrolier, la détection de  remontées  de  fluides  est  particulièrement  importante  puisqu’elle  permet  de  mettre  en  évidence,  en  fond  de  mer,  la  présence  de  champs  de  gaz  ou  pétrole  en  profondeur.  Ces  remontées  de  fluides  peuvent  être  de  diverses  natures  et  être  piégées  au  sein  des  hydrates  de  gaz,  présents  dans  les  sédiments. Ces hydrates de gaz, en se dissociant, entraînent une fragilisation mécanique du sous-sol  et  sont  ainsi  susceptibles  de  favoriser  des  glissements  de  terrain,  provoquant  des  instabilités  dangereuses pour les ouvrages pétroliers, voir des tsunamis, d’où l’intérêt d’étudier de telles zones.
La  cartographie  et  l’imagerie  acoustique  extraites  des  données  « multifaisceaux »  acquises  lors de différentes campagnes océanographiques ont permis d’identifier des secteurs riches en sorties  de  fluides :  cette  approche  de  détail  a  été  l’objet  de  ce  travail.  L’objectif  était  d’obtenir  la  meilleure  définition possible de la zone d’étude afin d’analyser les relations entre manifestations de sorties de  fluides et environnant tectonique et sédimentaire. Les sondeurs utilisés fonctionnant à des fréquences  différentes  (12kHz  et  30kHz),  les  informations  révélées  ne  sont  pas  de  même  nature.  Cette  étude  permet  ainsi  d’obtenir  des  informations  précises  sur  les  objets  géologiques,  à  partir  des  différents  types d’informations. 

2. Le sondeur multifaisceaux

La cartographie sous-marine est le résultat d’une fusion d’informations de différentes natures  fournies  par  les  sondeurs  multifaisceaux.  Ils  permettent  de  déterminer  à  partir  des  mesures  des  hauteurs  d’eau  et  d’intensités  de  réflectivité,  la  mesure  bathymétrique  et  l’imagerie  acoustique  renseignent  respectivement  sur  la  topographie  et  la  nature  géologique  des  fonds  marins.  Ces  sondeurs  permettent  le  relevé  rapide  et  précis  de  la  topographie  de  larges  zones,  dont  l‘intérêt  est  primordial dans l’étude des faciès géologiques.  La plupart des sondeurs multifaisceaux fonctionnent  selon la technique dite « des faisceaux croisés ».  Le but de cette technique est d’éliminer les effets  du mouvement du navire sur l’acquisition des données. Une onde acoustique sphérique est envoyée  dans un faisceau unique perpendiculairement à la route du navire grâce à deux antennes d’émission  situées sur  la coque du navire. La plus grande  partie énergétique de cette onde va se réfléchir sur  l’interface eau-sédiment et une plus petite partie de celle-ci va se diffuser  dans toutes les directions  de  l’espace.  L’onde  mesurée  en  réception  par  le  sondeur  multifaisceaux  est  l’onde  se  propageant


dans la direction d’incidence ; elle est nommée « onde rétrodiffusée. Les faisceaux de réception (135
faisceaux pour L’EM300 fonctionnant à 30 kHz) interceptent aisément le faisceau d’émission malgré
les mouvements du navire.  
La fonction principale d’un sondeur multifaisceaux est de fournir en temps réel la bathymétrie
(la  profondeur  d’eau).  La  profondeur  est  calculée  en  mesurant  le  temps  mis  par  l’onde  pour  se  propager dans la colonne d’eau (temps aller-retour), et sa vitesse de déplacement. Ce calcul se base  sur l’estimation conjointe d’un temps et d’un angle ; ce couple (t,  ) permet d’accéder à la position du  point de sonde. La mesure est effectuée par référence à la position instantanée et l’attitude du navire  porteur,  pour  pouvoir  effectuer  les  corrections  d’angles  et  affecter  des  coordonnées  géographiques  correctes  aux  points  de  sondes.  Ceci  impose  d’acquérir  conjointement  aux  signaux  du  sondeur  multifaisceaux, les mesures fournies par un système de navigation et par une centrale d’attitude. 
L’imagerie acoustique est un outil qui fournit une information sur la texture des fonds marins à  partir de la restitution de l’énergie réfléchie. La teinte de réflectivité obtenue sur les cartes d’imagerie  est directement liée à l’intensité du signal rétrodiffusé, elle-même étroitement contrôlée par la nature  et la structure du fond, l’angle d’incidence et la fréquence de la source utilisée.
Afin  d’obtenir  une  représentation  de  réflectivité  du  fond  marin,  une  traduction  du  signal  rétrodiffusé par le fond en niveau de gris est nécessaire. Il s’agit donc d’un processus de création de  mosaïques  à  partir  du  signal.  L’indice  de  rétrodiffusion  est  la  grandeur  physique  qui  relie  l’énergie  rétrodiffusée à une surface unité, son unité est le dB/m². Cette valeur est représentée graphiquement  par  rapport  à  l’angle  d’incidence,  ce  qui  fournit  une  courbe  de  réflectivité  nommée  courbe  BS  « Backscattering  Strength ».  Sur  cette  courbe  BS,  trois  régimes  sont  à  différencier   le  régime  spéculaire représentant les angles à incidence verticale, le régime oblique avec un angle d’incidence  supérieur à ±10° et le régime des incidences rasantes caractérisé par des incidences supérieures à  60°.

3. Les données

Les analyses conduites dans le cadre de ce travail se fondent sur l’intégration de données de  bathymétrie et de réflectivité issues de trois campagnes marines Fanil, Nautinil et Simed. 
La campagne Fanil s’est déroulée à bord du navire le Suroît du 09/10/2000 au 06/11/2000. La  zone géographique analysée en Méditerranée orientale s’étend en latitude de N 34 24 à N 31 30 et en  longitude  de  E  027  18à  E  034  00.    Les  données  brutes  disponibles  pour  cette  campagne  sont  un  fichier de navigation présentant une extension .nvi, un fichier contenant les données bathymétriques,  non géoréférencées, au format .mbb et des fichiers .IM et .im contenant les données de réflectivité. La  campagne Fanil constitue les données servant de base à l’étude. 
La campagne Nautinil s’est déroulée à bord du navire l’Atalante du 04/09/2003 au 03/10/2003.  La zone géographique balayée en méditerranée orientale s’étend en latitude de N 35 48 à N 31 18 et  en longitude de E 023 00 à E 033 12. Les fichiers disponibles sont identiques à ceux de la campagne  Fanil. La mission Nautinil présente des données de moins bonne précision que celles de la campagne  Fanil et vont ainsi servir  à compléter les cartes générées à partir des données de la campagne Fanil.
La campagne Simed s’est déroulée à bord du navire « Beautemps Beaupré » du 30/09/2004  au 05/10/2004. La zone géographique balayée en Méditerranée orientale s’étend en latitude de N 43  06  à N 34 06 et en longitude de E 005 00 à E 023 48. Les fichiers sont toujours les mêmes que les  deux autres campagnes. Le traitement des données de cette zone avait pour but de cartographier une  région également riches en structures géologiques associées aux remontées de fluides. Aucune carte  de bathymétrie et de réflectivité de ces structures n’avait été construite jusqu’alors.  

4. Les traitements et résultats

Les traitements effectu és sur les jeux de données disponibles ont été réalisés avec le logiciel  Caraïbes développé par l’Ifremer. Il permet l’élaboration des cartes de bathymétrie, de réflectivité et  ensuite d’obtenir une vue 3D de la bathymétrie texturée par la réflectivité, ce qui conduit aux  premières interprétations géologiques.
La bathym étrie : 
Le traitement des donn ées de bathymétrie comporte des étapes de traitement en temps réel telles   les  corrections  instrumentales  et  la  correction  de  réfraction  et  en  temps  différé. 

Les  mesures archivées sont souvent corrigées de la réfraction, à l’aide d’un profil de célérité utilisé en temps réel.
Les données servant à cette étude ont subi ce type de corrections préliminaires. Reste à appliquer les
différentes étapes des traitements différés : 
• La fusion de la navigation et de la bathymétrie : la fusion des données brutes de navigation
(.nvi) avec les données brutes de bathymétrie (.mbb) permet le géoréférencement de toutes  les sondes. 
• Le nettoyage des données brutes : le nettoyage des données consiste à détecter et à éliminer  les  sondes  erronées.  La  méthode  choisie  pour  cette  étude  est  le  nettoyage  manuel  des  données permettant la suppression de tous les artéfacts liés à l’acquisition.
• Le  maillage  des  données :  un  modèle  numérique  de  terrain  est  créé  à  ce  stade,  et  le  développement d’une application Matlab, que j’ai réalisée, permet de mieux choisir le pas du  maillage.
• Interpolation et lissage  
• Visualisation des cartes de bathymétrie

Résultats : Différents traitements ont été appliqués aux trois campagnes et la méthodologie la  plus adaptée y est présentée. La zone de la Caldera est le mieux illustrée par la carte bathymétrique  associant les données issues des campagnes Fanil et Nautinil, avec un pas de maillage de 40 mètres.

 

Figure 1: carte bathymétrique 3D de la Caldera issues des données de Fanil & Nautinil avec un maillage à 40 mètres
L’imagerie acoustique 
La  révélation  des  objets  géologiques  de  natures  variées  comme  les  champs  de  boue  de  la
Ride  Méditerranée  ou  les  « pockmarks »  du  delta  profond  du  Nil  est  possible  par  association  de  données  de  bathymétrie  et  de  réflectivité.  Le  traitement  des  données  de  réflectivité  est  donc  une  étape  essentielle  à  la  bonne  caractérisation  géoacoustique  d’une  zone  d’étude.  Tout  comme  la  bathymétrie, la réflectivité se traite en plusieurs étapes :

  • Création de la mosaïque : elle va permettre d’aboutir à la création de l’ensemble des fichiers  nécessaires aux traitements suivants. Ensuite, le logiciel permet le calcul et l’attribution des  pixels  à  leur  position  géographique.  L’image  en  sortie  est  géoréférencée  et  chaque  pixel  contient  la  réflectivité  délivrée  par  le  sondeur,  sans  aucun  traitement  des  artéfacts.  A  ce  stade, la taille du pixel est un réglage à ne pas négliger.
  • Interpolation
  • Visualisation de la mosaïque
  • La « belle image »: La suppression des artéfacts inhérents aux techniques d’acquisition est  possible par un re-traitement des données et permet d’obtenir une image corrigée appelée  « belle  image ».  Ce  type  de  carte  donne  accès  à  l’indice  de  rétrodiffusion  en  fonction  de  l’angle   d’incidence   réel,   tenant   compte   de   la   pente,   et   permet   ainsi   les   premières  interprétations géologiques.

• Extraction  d’une  courbe  BS :  permet  d’obtenir  une  représentation  physique  d’une  zone homogène   en   réflectivité   et   donne   lieu   à   une   approche   quantitative   des   différents  traitements réalisés.  

Résultats :   De   nombreuses   cartes   de   réflectivité   ont   été   générées   en   appliquant   toutes   les
corrections et décorrections possibles. La méthodologie la plus adaptée, suivant le type de sondeur
utilisé, a été établie.
Caractérisation multifréquentielle
Lors des campagnes Fanil et Nautinil une zone identique cartographique a été révélée avec  des sondeurs fonctionnant à des fréquences différentes. Une approche quantitative est établie à partir  des courbes BS obtenues ce qui permet de mettre en évidence l’influence de la fréquence du sondeur  sur la réponse acoustique (figure 3).  

 

L’influence  de  chaque  correction  a  également  été  analysée.  Enfin,  la  superposition  des  courbes  BS  obtenues  avec  celles  mesurées  sur  des  fonds  connus  devrait  permettre  de  relier  l’intensité de la réflectivité mesurée à la granulométrie des sédiments traversés ce qui peut conduire à  une première interprétation  géologique de la nature du fond. 
Résultats :  
• La fréquence a bien une incidence sur la réponse acoustique d’un signal.
• La  quantification  des  réponses  acoustiques  issues  de  signaux  corrigés  et  l’évaluation  de  la  correction la plus adaptée pour une zone d’étude donnée ont été traitées.
• La nature du sédiment au niveau de la Caldera est de la vase, alors qu’en haut de pente, il s’agit  de sédiments plus indurés.
• La  réponse  fortement  réflective  du  cône  central  de  la  Caldera  définit  une  zone  d’émission  de  fluides

5. Conclusion

Les objectifs de départ ont été en grande partie atteints et les documents obtenus sont plus 
que satisfaisants puisqu’ils permettent de mettre en évidence les objets géologiques recherchés. La  nouvelle méthodologie proposée parait plus rigoureuse et mieux adaptée aux études de zones riches  en  détails.  Les  traitements  permettent  d’extraire  le  maximum  d’informations  des  données  mises  à  disposition  tout  en  restant  en  accord  avec  la  réalité  terrain.  Cependant,  cette  étude  devra  être  complétée  par  ’analyse  des  profils  sismique  haute  et  très  haute  définition,  celle  de  carottes  et  des  vidéos  qui  devront  amener  une  définition  bien  meilleure  de  la  zone  d’étude.  Les  interprétations  géologiques  seront  plus  solides  puisqu’elles  permettront  de  confirmer  les  hypothèses  suggérées  à  l’issue des traitements de bathymétrie et de réflectivité. La fusion des données géoacoustiques et des  vérités  terrain  permettra  de  mieux  établir  les  relations  entre  manifestations  de  sorties  de  fluides  et  l’environnement tectonique et sédimentaire pourra  être établies. 
Ce  travail  a  permis  de  démontrer  que  la  réponse  acoustique  de  sondeur  multifaisceaux  fonctionnant à des fréquences différentes permet de mieux identifier l’environnement. Une approche  multifréquentielle plus poussée pourrait donc être également une voie pour de futures recherches. 

 

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