Laëtitia Brosolo |
C A R A C T E R I S A T I O N G E O A C O U S T I Q U E D E S S O R T I E S D E F L U I D E S
S U R L E D E L T A P R O F O N D D U N I L , À P A R T I R D E S D O N N E E S D E
G E O S C I E N C E S A Z U R
Société d’accueil : Laboratoire Géosciences Azur
PFE présenté par : Laëtitia Brosolo
Directeur (directrice) du PFE : M. Mascle Jean
Correcteurs : M. Ferhat et Mme Landes
1. Introduction
Ce projet de fin d’études s’est déroulé au laboratoire Géosciences Azur, une Unité Mixte de Recherche du Centre National de la Recherche Scientifique localisée en partie à Villefranche-sur-mer. Cette UMR, créée en 1996, est structurée en quatre équipes de recherche dont Géomer traitant des Géosciences marines. Cette équipe conduit des programmes scientifiques, en association avec de nombreux autres laboratoires, articulés autour de quatre grandes thématiques.
L’étude menée ici s’inscrit dans la thématique des « Transferts sédimentaires et fluides en domaine marin profond » et a pour but d’analyser la morphologie et la réponse acoustique d’une structure géologique spécifique appelée « Caldera Ménès ». La Caldera Ménès, se situe dans le delta profond du Nil au large de l’Egypte, et représente une des nombreuses manifestations de phénomènes de dégazage de sédiments sous compactés enfouis sous d’épaisses accumulations sédimentaires en Méditerranée orientale. Dans des régions à fort potentiel pétrolier, la détection de remontées de fluides est particulièrement importante puisqu’elle permet de mettre en évidence, en fond de mer, la présence de champs de gaz ou pétrole en profondeur. Ces remontées de fluides peuvent être de diverses natures et être piégées au sein des hydrates de gaz, présents dans les sédiments. Ces hydrates de gaz, en se dissociant, entraînent une fragilisation mécanique du sous-sol et sont ainsi susceptibles de favoriser des glissements de terrain, provoquant des instabilités dangereuses pour les ouvrages pétroliers, voir des tsunamis, d’où l’intérêt d’étudier de telles zones.
La cartographie et l’imagerie acoustique extraites des données « multifaisceaux » acquises lors de différentes campagnes océanographiques ont permis d’identifier des secteurs riches en sorties de fluides : cette approche de détail a été l’objet de ce travail. L’objectif était d’obtenir la meilleure définition possible de la zone d’étude afin d’analyser les relations entre manifestations de sorties de fluides et environnant tectonique et sédimentaire. Les sondeurs utilisés fonctionnant à des fréquences différentes (12kHz et 30kHz), les informations révélées ne sont pas de même nature. Cette étude permet ainsi d’obtenir des informations précises sur les objets géologiques, à partir des différents types d’informations.
2. Le sondeur multifaisceaux
La cartographie sous-marine est le résultat d’une fusion d’informations de différentes natures fournies par les sondeurs multifaisceaux. Ils permettent de déterminer à partir des mesures des hauteurs d’eau et d’intensités de réflectivité, la mesure bathymétrique et l’imagerie acoustique renseignent respectivement sur la topographie et la nature géologique des fonds marins. Ces sondeurs permettent le relevé rapide et précis de la topographie de larges zones, dont l‘intérêt est primordial dans l’étude des faciès géologiques. La plupart des sondeurs multifaisceaux fonctionnent selon la technique dite « des faisceaux croisés ». Le but de cette technique est d’éliminer les effets du mouvement du navire sur l’acquisition des données. Une onde acoustique sphérique est envoyée dans un faisceau unique perpendiculairement à la route du navire grâce à deux antennes d’émission situées sur la coque du navire. La plus grande partie énergétique de cette onde va se réfléchir sur l’interface eau-sédiment et une plus petite partie de celle-ci va se diffuser dans toutes les directions de l’espace. L’onde mesurée en réception par le sondeur multifaisceaux est l’onde se propageant
dans la direction d’incidence ; elle est nommée « onde rétrodiffusée. Les faisceaux de réception (135
faisceaux pour L’EM300 fonctionnant à 30 kHz) interceptent aisément le faisceau d’émission malgré
les mouvements du navire.
La fonction principale d’un sondeur multifaisceaux est de fournir en temps réel la bathymétrie
(la profondeur d’eau). La profondeur est calculée en mesurant le temps mis par l’onde pour se propager dans la colonne d’eau (temps aller-retour), et sa vitesse de déplacement. Ce calcul se base sur l’estimation conjointe d’un temps et d’un angle ; ce couple (t, ) permet d’accéder à la position du point de sonde. La mesure est effectuée par référence à la position instantanée et l’attitude du navire porteur, pour pouvoir effectuer les corrections d’angles et affecter des coordonnées géographiques correctes aux points de sondes. Ceci impose d’acquérir conjointement aux signaux du sondeur multifaisceaux, les mesures fournies par un système de navigation et par une centrale d’attitude.
L’imagerie acoustique est un outil qui fournit une information sur la texture des fonds marins à partir de la restitution de l’énergie réfléchie. La teinte de réflectivité obtenue sur les cartes d’imagerie est directement liée à l’intensité du signal rétrodiffusé, elle-même étroitement contrôlée par la nature et la structure du fond, l’angle d’incidence et la fréquence de la source utilisée.
Afin d’obtenir une représentation de réflectivité du fond marin, une traduction du signal rétrodiffusé par le fond en niveau de gris est nécessaire. Il s’agit donc d’un processus de création de mosaïques à partir du signal. L’indice de rétrodiffusion est la grandeur physique qui relie l’énergie rétrodiffusée à une surface unité, son unité est le dB/m². Cette valeur est représentée graphiquement par rapport à l’angle d’incidence, ce qui fournit une courbe de réflectivité nommée courbe BS « Backscattering Strength ». Sur cette courbe BS, trois régimes sont à différencier le régime spéculaire représentant les angles à incidence verticale, le régime oblique avec un angle d’incidence supérieur à ±10° et le régime des incidences rasantes caractérisé par des incidences supérieures à 60°.
3. Les données
Les analyses conduites dans le cadre de ce travail se fondent sur l’intégration de données de bathymétrie et de réflectivité issues de trois campagnes marines Fanil, Nautinil et Simed.
La campagne Fanil s’est déroulée à bord du navire le Suroît du 09/10/2000 au 06/11/2000. La zone géographique analysée en Méditerranée orientale s’étend en latitude de N 34 24 à N 31 30 et en longitude de E 027 18à E 034 00. Les données brutes disponibles pour cette campagne sont un fichier de navigation présentant une extension .nvi, un fichier contenant les données bathymétriques, non géoréférencées, au format .mbb et des fichiers .IM et .im contenant les données de réflectivité. La campagne Fanil constitue les données servant de base à l’étude.
La campagne Nautinil s’est déroulée à bord du navire l’Atalante du 04/09/2003 au 03/10/2003. La zone géographique balayée en méditerranée orientale s’étend en latitude de N 35 48 à N 31 18 et en longitude de E 023 00 à E 033 12. Les fichiers disponibles sont identiques à ceux de la campagne Fanil. La mission Nautinil présente des données de moins bonne précision que celles de la campagne Fanil et vont ainsi servir à compléter les cartes générées à partir des données de la campagne Fanil.
La campagne Simed s’est déroulée à bord du navire « Beautemps Beaupré » du 30/09/2004 au 05/10/2004. La zone géographique balayée en Méditerranée orientale s’étend en latitude de N 43 06 à N 34 06 et en longitude de E 005 00 à E 023 48. Les fichiers sont toujours les mêmes que les deux autres campagnes. Le traitement des données de cette zone avait pour but de cartographier une région également riches en structures géologiques associées aux remontées de fluides. Aucune carte de bathymétrie et de réflectivité de ces structures n’avait été construite jusqu’alors.
4. Les traitements et résultats
Les traitements effectu és sur les jeux de données disponibles ont été réalisés avec le logiciel Caraïbes développé par l’Ifremer. Il permet l’élaboration des cartes de bathymétrie, de réflectivité et ensuite d’obtenir une vue 3D de la bathymétrie texturée par la réflectivité, ce qui conduit aux premières interprétations géologiques.
La bathym étrie :
Le traitement des donn ées de bathymétrie comporte des étapes de traitement en temps réel telles les corrections instrumentales et la correction de réfraction et en temps différé.
Les mesures archivées sont souvent corrigées de la réfraction, à l’aide d’un profil de célérité utilisé en temps réel.
Les données servant à cette étude ont subi ce type de corrections préliminaires. Reste à appliquer les
différentes étapes des traitements différés :
La fusion de la navigation et de la bathymétrie : la fusion des données brutes de navigation
(.nvi) avec les données brutes de bathymétrie (.mbb) permet le géoréférencement de toutes les sondes.
Le nettoyage des données brutes : le nettoyage des données consiste à détecter et à éliminer les sondes erronées. La méthode choisie pour cette étude est le nettoyage manuel des données permettant la suppression de tous les artéfacts liés à l’acquisition.
Le maillage des données : un modèle numérique de terrain est créé à ce stade, et le développement d’une application Matlab, que j’ai réalisée, permet de mieux choisir le pas du maillage.
Interpolation et lissage
Visualisation des cartes de bathymétrie
Résultats : Différents traitements ont été appliqués aux trois campagnes et la méthodologie la plus adaptée y est présentée. La zone de la Caldera est le mieux illustrée par la carte bathymétrique associant les données issues des campagnes Fanil et Nautinil, avec un pas de maillage de 40 mètres.
Figure 1: carte bathymétrique 3D de la Caldera issues des données de Fanil & Nautinil avec un maillage à 40 mètres
L’imagerie acoustique
La révélation des objets géologiques de natures variées comme les champs de boue de la
Ride Méditerranée ou les « pockmarks » du delta profond du Nil est possible par association de données de bathymétrie et de réflectivité. Le traitement des données de réflectivité est donc une étape essentielle à la bonne caractérisation géoacoustique d’une zone d’étude. Tout comme la bathymétrie, la réflectivité se traite en plusieurs étapes :
- Création de la mosaïque : elle va permettre d’aboutir à la création de l’ensemble des fichiers nécessaires aux traitements suivants. Ensuite, le logiciel permet le calcul et l’attribution des pixels à leur position géographique. L’image en sortie est géoréférencée et chaque pixel contient la réflectivité délivrée par le sondeur, sans aucun traitement des artéfacts. A ce stade, la taille du pixel est un réglage à ne pas négliger.
- Interpolation
- Visualisation de la mosaïque
- La « belle image »: La suppression des artéfacts inhérents aux techniques d’acquisition est possible par un re-traitement des données et permet d’obtenir une image corrigée appelée « belle image ». Ce type de carte donne accès à l’indice de rétrodiffusion en fonction de l’angle d’incidence réel, tenant compte de la pente, et permet ainsi les premières interprétations géologiques.
Extraction d’une courbe BS : permet d’obtenir une représentation physique d’une zone homogène en réflectivité et donne lieu à une approche quantitative des différents traitements réalisés.
Résultats : De nombreuses cartes de réflectivité ont été générées en appliquant toutes les
corrections et décorrections possibles. La méthodologie la plus adaptée, suivant le type de sondeur
utilisé, a été établie.
Caractérisation multifréquentielle
Lors des campagnes Fanil et Nautinil une zone identique cartographique a été révélée avec des sondeurs fonctionnant à des fréquences différentes. Une approche quantitative est établie à partir des courbes BS obtenues ce qui permet de mettre en évidence l’influence de la fréquence du sondeur sur la réponse acoustique (figure 3).
L’influence de chaque correction a également été analysée. Enfin, la superposition des courbes BS obtenues avec celles mesurées sur des fonds connus devrait permettre de relier l’intensité de la réflectivité mesurée à la granulométrie des sédiments traversés ce qui peut conduire à une première interprétation géologique de la nature du fond.
Résultats :
La fréquence a bien une incidence sur la réponse acoustique d’un signal.
La quantification des réponses acoustiques issues de signaux corrigés et l’évaluation de la correction la plus adaptée pour une zone d’étude donnée ont été traitées.
La nature du sédiment au niveau de la Caldera est de la vase, alors qu’en haut de pente, il s’agit de sédiments plus indurés.
La réponse fortement réflective du cône central de la Caldera définit une zone d’émission de fluides
5. Conclusion
Les objectifs de départ ont été en grande partie atteints et les documents obtenus sont plus
que satisfaisants puisqu’ils permettent de mettre en évidence les objets géologiques recherchés. La nouvelle méthodologie proposée parait plus rigoureuse et mieux adaptée aux études de zones riches en détails. Les traitements permettent d’extraire le maximum d’informations des données mises à disposition tout en restant en accord avec la réalité terrain. Cependant, cette étude devra être complétée par ’analyse des profils sismique haute et très haute définition, celle de carottes et des vidéos qui devront amener une définition bien meilleure de la zone d’étude. Les interprétations géologiques seront plus solides puisqu’elles permettront de confirmer les hypothèses suggérées à l’issue des traitements de bathymétrie et de réflectivité. La fusion des données géoacoustiques et des vérités terrain permettra de mieux établir les relations entre manifestations de sorties de fluides et l’environnement tectonique et sédimentaire pourra être établies.
Ce travail a permis de démontrer que la réponse acoustique de sondeur multifaisceaux fonctionnant à des fréquences différentes permet de mieux identifier l’environnement. Une approche multifréquentielle plus poussée pourrait donc être également une voie pour de futures recherches.