David Gayraud |
DEVELOPPEMENT D’UNE CHAINE PHOTOGRAMMETRIQUE POUR L’ETUDE
SPECTROPHOTOMETRIQUE EXPERIMENTALE D’ANALOGUES DE SURFACES PLANETAIRES REALISE POUR LE LABORATOIRE DE DYNAMIQUE TERRESTRE ET PLANETAIRE A L’OBSERVATOIRE MIDI-PYRENEES
Société d’accueil : Laboratoire « Dynamique Terrestre et Planétaire » Unité Mixte de Recherche 5562
Observatoire Midi-Pyrénées
PFE présenté par : David Gayraud
Directeurs du PFE : Mr Patrick Pinet & Mr David Baratoux
Correcteurs : Mme Tania Landes & Mr Eddie Smigiel
Introduction
Mon projet de fin d’étude s’effectue au sein d’une unité du Centre National pour la Recherche Scientifique (CNRS), l’Unité Mixte de Recherche UMR5562 ; laboratoire de Dynamique Terrestre et Planétaire situé à l’Observatoire Midi-Pyrénées.
De manière générale, l’étude photométrique à partir de données hyperspectrales prend progressivement de l’importance dans l’exploration planétaire. Elle permet l’étude minéralogique et pétrographique des sols à partir de modèles de réflec tance évolués. Les données expérimentales sont donc essentielles au développement et à la validation de ces modèles. L’imageur Spectral pour l’Exploration Planétaire (ISEP) a été créé en réponse à ce besoin et permet ainsi de caractériser les propriétés spectrales et photométriques d’analogues de surfaces planétaires.
Afin de continuer le développement de ces études photométriques, un module photogrammétrique est nécessaire afin de connaître les angles pour des topographies complexes. Cette chaîne de traitement doit permettre de créer des ortho-images, des modèles numériques de terrain (MNT) et la création de cartes de pentes. La chaine photogrammétrique sera donc un outil au service de l’étude photométrique. En effet, une connaissance des pentes d’un terrain à différentes échelles ainsi qu’une précise superposition d’images ortho-rectifiées provenant de géométries différentes sont nécessaires à l’inversion de données multi-angulaires pour la détermination des paramètres photométriques des matériaux granulaires utilisés.
Mon projet est donc de définir, développer et tester cette chaîne photogrammétrique. L’application se doit d’être adaptable et suit les caractéristiques de l’imageur, son fonctionnement doit être aussi simple que possible et les différents modules de la chaîne doivent être indépendants pour pouvoir être améliorés ou redéfinis suivant l’évolution des besoins des utilisateurs. Les modules composant cette chaîne seront testés, aussi bien dans leurs fonctionnements que dans leurs limites.
1. Présentation
1.1. L’imageur Spectral pour l’Exploration Planétaire (ISEP)
Cet instrument permet d’obtenir une image hyperspectrale de réflectance à 19 bandes, les longueurs d’onde allant du proche ultraviolet au proche infrarouge. Les conditions angulaires d’émergence (position du capteur, la caméra dans notre cas) et d’incidence (position de la source lumineuse, le soleil dans notre cas) ont pour but de simuler les conditions les plus fréquemment rencontrées par les sondes spatiales. Elles varient respectivement de -70° à +70° et de 0° à 50°. Les variations d’incidence sont permises par un jeu de miroirs qui éclaire l’échantillon d’un faisceau de lumière solaire. A l’origine, les images produites n’étaient que dans le plan principal ( avec un angle d’azimut de 0 ou 180°) cependant une source de lumière artificielle a été ajoutée permettant des observations sous tout azimut. Les images du cratère à partir desquelles l’application a été développée sont toutes comprises dans le plan principal. Les images créées par le CCD possèdent une taille de 1242*1152 pixels. Un polariseur est en cours d’étude afin d’être prochainement incorporé à l’instrument.
1.1.La photométrie
Le modèle photométrique utilisé est le modèle de Hapke, l’équation du modèle est fonction de 6 paramètres et 3 angles, les angles d’émergence, d’incidence et de phase. Les 6 paramètres caractérisent chacun un aspect de la réflexion et permettent ainsi une meilleure connaissance de l’objet éclairé par inversion du modèle. Les paramètres de Hapke donnent des informations à des échelles sub-pixellaires à partir de données angulaires déduites de l’information topographique impliquant plusieurs pixels. Ainsi, améliorer la détermination de ces angles permettra une meilleure connaissance de ces paramètres et de leurs évolutions.
2. La structure de la chaîne photogrammétrique
La détermination de l’organisation des processus a été la base du développement de la chaîne.
Tout d’abord, elle comporte une partie qui traite les images indépendamment afin de déterminer leurs orientations, c’est-à-dire les 6 paramètres (3 rotations et 3 distances) caractérisant pour chaque configuration l’orientation du capteur CCD. Une projection verticale sans tenir compte de la topographie est ensuite effectuée (création de « fausses » ortho-images) car elle permet de faciliter la corrélation des images entre elles qui est l’étape suivante. En effet, la corrélation permet sur chaque image de faire correspondre les coordonnées des mêmes points : de déterminer les homologues. Les homologues identifiés, il faut par la suite ramener les images dans leurs configurations initiales afin d’avoir les coordonnées des homologues sur les images de départ. A partir de cette étape, la création du Modèle Numérique de Terrain (MNT) est possible par triangulation du couple d’images stéréoscopique. Une fois ce MNT créé, les étapes suivantes permettent d’obtenir une grille régulière des coordonnées Z (altitude) par interpolation, d’effectuer cette fois une véritable projection verticale en tenant compte de la topographie et donc d’avoir de vraies ortho-images, mais également de créer des cartes de pentes connaissant les coordonnées X, Y, Z au sol pour chaque pixel.
Pour effectuer ces transformations, la mise en place de 3 repères sont nécessaires et les formules de passages permettant les correspondances entre chaque ont été établies. Un premier repère est le repère « ENVI », d’unité le pixel et de centre le bord haut gauche des images, le second appelé le repère image est centré sur l’image et d’unité le millimètre, quant au dernier il est situé sur la cible au sol et a également pour unité le millimètre.
2.1. Les paramètres d’orientation des prises de vues
Les 6 paramètres d’orientation des prises de vues sont calculés à partir de points de calage connus en coordonnées objet (X,Y,Z) et situés sur la cible. A partir de ces coordonnées et des formules de transformation de coordonnées entre le repère image et le repère objet les moindres carrés sont appliqués afin de calculer les 3 angles de rotation et les 3 distances définissant l’orientation des images dans l’espace.
2.2. La création des ortho-images
Les ortho-images sont de tailles paramétrables et réalisables au travers de 5 étapes de transformation de coordonnées afin de définir à quel endroit de l ‘image originelle il faut prélever le pixel qui remplira l’ortho-image. Les ortho-images créées ont toutes des tailles de 300*1300 pixels, légèrement supérieures aux tailles initiales afin de ne pas perdre d’information. La résolution spatiale des ortho-images est de 192µm.
2.3.La corrélation
La corrélation a pour but d’identifier les points homologues sur un couple stéréoscopique. La méthode de Fourier a été la technique retenue pour cette corrélation. L’algorithme est divisé en trois parties ; tout d’abord la corrélation est appliquée à une imagette centrale de taille paramétrable afin de déterminer un décalage approximatif global sur l’ensemble de l’image. Dans un second temps, une imagette, plus petite, va balayer l’image avec unpas également paramétrable afin de calculer pour chaque pixel situé au centre de cette dernière son décalage propre. La dernière étape correspond à la précédente réitérée avec des tailles d’imagettes encore plus petite à titre de vérification de la convergence. Les pixels dont les décalages n’ont pas été calculés en raison du pas contrôlant le déplacement des imagettes se voient attribuer une valeur de décalage par interpolation. Par ce procédé, chaque pixel possède son décalage prop re provenant de calculs effectués à des échelles différentes dans l’image.
2.4.La triangulation
Une fois les points homologues identifiés au sein du couple stéréoscopique, la triangulation permet de calculer les coordonnées objet de ces points par transformation de coordonnées et en utilisant les moindres carrés. Le principe est de calculer le point au sol de coordonnées (X,Y,Z) permettant de s’approcher au mieux des coordonnées des points homologues sur les 2 images.
2.5. Les cartes de pentes
Un des objectifs principaux de cette application est la création de cartes de pentes afin d’établir avec une meilleure précision les angles d’émergence et d’incidence. La méthode est de créer un plan dans une fenêtre de taille définie par l’utilisateur (déterminant la résolution de la carte) s’ajustant au mieux à l’ensemble des points présents. Une fois les paramètres du plan connus, l’angle de la droite de plus grande pente avec l’horizontale détermine l’angle de pente attribué.
3. Résultats et analyse
3.1. Etude des paramètres d’orientation
Les images utilisées ne disposent malheureusement ni de points de calage ni de points remarquables pouvant être utilisés comme tels. La méthode a donc été adapté e et les différentes configurations ont été calées à partir de l’image nadir. Neuf points sur cette image ont été définis et une fois leurs coordonnées objet calculées, ils ont été considérés comme étant des points de calage. Ainsi l’image nadir a été prise comme référence. Ces points étant visibles sur toutes les images, le processus initialement prévu a pu être utilisé avec ces « nouveaux » points de calage. Les angles d’émergence ainsi calculés pour les configurations annoncées par l’imageur comme valant 20°, 40° et 60° sont de 20.220°, 30.829°, 60.043°. Ils correspondent donc à ceux définis à l’origine à ±0.22° près.
3.2. Etude des possibilités de l’algorithme de corrélation.
Le décalage approximatif global défini par la première étape de la corrélation a été testé pour des tailles d’imagettes allant de 200*200 pixels à 800*800 pixels suivant les 6 configurations de couples stéréoscopiques possibles créées à partir des 4 im ages à disposition. Ces tests nous révèlent qu’une valeur stable du décalage global des images entre elles est calculée à partir de tailles d’imagettes de 400*400 pixels pour les couples 0°/20° et 20°/40° et de 500*500 pixels pour le couple 0°/40°. Les 3 couples d’images créés à partir de l’ortho-image prise originellement sous émergence 60° n’obtiennent de valeurs stables pour aucune taille. Nous ne considérerons pas cette image dans la suite de l’application.
L’échelle d’analyse des fenêtres de corrélationest conditionnée par la distribution spatiale des structures de l’image (morphologie, contraste d’albédo,topographie). En l’absence de distorsions, le décalage obtenu à partir de la corrélation globale devrait être le même quelle que soit la région de l’image considérée pour une fenêtre d’analyse donnée (par exemple de taille 500*500 pixels appelé échelle 1 : « EC1 »). Dans notre cas réel, l’analyse des décalages pour une fenêtre de taille donnée placée dans les coins de l’image au lieu du centre montre une variation de ces valeurs de quelques pixels de façon anti-conjuguée (entre le coin haut droit et le coin bas gauche). Afin d’optimiser ces corrections différentielles, une échelle spatiale régionale appropriée (appelé « EC2 ») est utilisée pour la fenêtre de corrélation glissante d’un pas commensurable avec l’échelle locale la plus fine ; un pas de 2. Une analyse de la corrélation à une troisième échelle plus fine (appelée « EC3 ») est également appliquée afin de s’assurer que les résultats ont bien convergé à l’échelle EC2.
De nombreuses tailles d’imagettes glissantes ont été testées, les tailles les plus adéquates sont celles de 81*81 et 101*101 pixels pour les couples 0°/20° et 20°/40° et 151*151 pixels pour le couple 0°/40°. De manière générale, l’algorithme de corrélation a des difficultés sur les zones où la topographie varie avec un gradient local important, soit le mur intérieur du cratère. Le reste de la cible ainsi que les éjectas sont correctement décelés. Quant aux valeurs de décalage calculées à l’échelle EC3, elles se révèlent être toutes identiques à celle s de l’échelle EC2, ce qui signifie que la corrélation a pris en compte (à l’échelle EC2) non seulement les variations régionales mais aussi locales dans la détermination des décalages différentiels.
3.3. Les modèles numériques de terrain
Les difficultés rencontrées par la corrélation au niveau du rempart du cratère se traduisent par des discontinuités dans le MNT. Les imagettes de 101*101 pixels permettent la meilleure modélisation de l’intérieur du cratère, de profondeur 25mm, pour les couples 0°/20° et 20°/40°. Les altitudes créées par la triangulation et visualisées sur le MNT sont généralement concordantes, une partie reste non modélisée, le rempart intérieur du cratère présentant des pentes de 30° d’inclinaison.
3.4. Les cartes de pente
Les tailles de grains composant la cible varient entre 20µm et 2mm, ce qui signifie que l’échelle spatiale d’échantillonnage (200µm) se situe dans la distribution de taille. Les études photométriques actuelles se basent sur des fenêtres de 3*3 pixels soit environ 0.6*0.6mm. Les grains conditionnent les angles de pente pour des fenêtres de faibles tailles et ainsi créent des hautes fréquences dans les variations des angles qui participent davantage de la rugosité texturale de la cible que des pentes. Il faut ainsi évaluer la résolution spatiale de la carte à créer afin de répondre au mieux au besoin de l’étude photométrique. Six résolutions ont été testées
(de 7*7 pixels à 51*51 pixels) sur deux profils caractéristiques de la cible : au travers des éjectas et au travers du cratère. La résolution choisie doit être applicable à toute l’image.
La résolution spatiale des cartes de pentes pouvant être utilisée par l’étude photométrique se situe entre 21*21 et 31*31 pixels soit représentant des fenêtres de 2.885mm et 4.038mm. L’étude photogrammétrique détermine donc les angles nécessaires à l’étude photométrique sur des groupements de pixels de 7 à 10 fois plus grands que ceux utilisés par le modèle de Hapke actuellement.
CONCLUSION
La chaîne photogrammétrique répondant au besoin de l’étude photométrique a donc été conçue et développée. La structure de cette chaîne est solide et permet de répondre aux attentes demandées, cependant certaines étapes doivent encore être améliorées pour complètement remplir les objectifs.
Tout d’abord, les paramètres d’orientation desprises de vues doivent être déterminés par des points de calage sur la cible ainsi ils seront déterminés avec une précision connue ; ceci permettra de meilleures projections et limitera les difficultés rencontrées avec la corrélation. De plus, actuellement les configurations à disposition sont toutes du même côté de la normale à la cible avec une incidence sous 30° située de l’autre côté. Ces configurations ne sont pas idéales pour un couple d’images stéréoscopiques où chaque image devrait être prise de part et d’autre de la normale avec une incidence relativement faible.
En résumé, je pense qu’avant de remplacer le module de corrélation présent par un corrélateur plus performant, deux étapes sont à réal iser. Tout d’abord une uniformisation des boîtes contenant les cibles avec des points de calage définis et de précision connue, puis une augmentation du nombre des configurations angulaires des prises de vues. Une méthode rigoureuse dans les prises de mesures pourra ainsi être mise en place car l’on se rend bien compte que l’étude photogrammétrique a des besoins de configurations angulaires d’images différentes de l’étude photométrique et qu’ils doivent être incorporés dans les futures campagnes de mesures.
En tout cas même si les objectifs fixés ne sont pas complètement atteints, les résultats obtenus sont tout de même cohérents sur une grande partie de la cible, les limites de la chaîne de traitement ont été évaluées et les axes d’évolution sont désormaisconnus afin de rendre cette chaîne de traitement aussi performante que possible.
D’un point de vue personnel, travailler au sein de cette unité de recherche m’a énormément enrichi, que ce soit par les méthodes de raisonnement, la liberté de choix dans le travail, les réflexions engendrées par les notions découvertes et par les outils utilisés.