Loïc LOZAC’H |
I NTEGRATION DANS UN SIG DE DONNEES ISSUES DE CAPTEURS
SATELLITES EN COMPARAISON DE DONNEES IN SITU POUR LE
SUIVI DE LA QUALITE DES EAUX COTIERES
Société d’accueil : HOCER - IFREMER
Directeur (directrice) du PFE : M. DELMAS – M. GOHIN
Correcteurs : Mme LANDES – M. KOEHL
PFE présenté par : Loïc LOZAC’H
De plus en plus de populations humaines vivent sur la côte ou près du littoral, et cet espace est devenu en quelques décennies une zone de conflits d’intérêts extrêmement forts et complexes, ayant pour facteur commun la qualité de l’eau. La qualité del’eau est essentielle à la protection de la santé humaine, à la préservation et à la restauration du patrimoine écologique, mais aussi à la durabilité des débouchés économiques que représentent la conchyliculture, l’aquaculture et le tourisme. Pour prévenir les effets nuisibles de la pollution de l’eau, ilest de ce fait nécessaire de surveiller et contrôler sa qualité. Par ailleurs, l’impact croissant de la présence humaine sur la zone côtière a créé un déséquilibre qui a manifestement accru les perturbations écologiques. Symptômes de l’anthropisation, la pollution croissante en nutriments, la destruction d’habitats naturels, le remaniement des cours d’eau, l’introduction d’espèces non indigènes et la diminution de la biodiversité, sont autant de facteurs qui peuvent encourager le développement de blooms phytoplanctoniques toxiques, ou « HABs » (Harmful Algal Blooms), qui peuvent produire des toxines puissantes. Au niveau international, la volonté de protéger l’environnement marin – et les zones côtières en particulier – de ce danger est unanime. Or un système efficace de surveillance desHABs nécessite des estimations de l’état de la qualité de l’eau près de la surface et en eau profonde.
1- Gestion intégrée des zones côtières
Le patrimoine naturel littoral est menacé, et cette menace est l’aboutissement d’un long processus de lente dégradation : l’histoire du littoral est marquée par une urbanisation et une industrialisation incessantes parallèlement à une dégradation générale de la qualité des eaux littorales et côtières et à l’épuisement des ressources halieutiques ou des gisements minéraliers. En dépit de cette dégradation, l’attraction pour cet espace ne cesse de s’accroître si bien que plus de 60% de la population mondiale vivra dans une bande littorale de 50km d’ici deux à trois décennies, ce qui pèsera lourdement sur l’environnement et ses ressources.Le littoral est par conséquent une zone de conflits d’intérêts extrêmement forts dans laquelle les nombreux acteurs doivent coexister.
Les difficultés de préservation et de gestion des zones côtières proviennent de plusieurs causes. Ainsi, l’absence de définition précise du littoral s’ajoute à la complexité d’une juridiction séparée pour les milieux terrestres et marins, complexité aggravée par la superposition des compétences depuis l’Etat jusqu’aux communes… Cependant, pour assurer le développement durable du littoral, il est indispensable que les acteurs coexistent dans un système simplifié : la gestion intégrée des zones côtières est de ce fait devenue une nécessité.
La mise en place d’une gestion intégrée des zones côtières suppose la création de programmes adaptés. Certains organismes institutionnels se sont livrés à la rédaction d’une aide conceptuelle, comme la Commission Océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO qui a produit deux volumes dans la série de Manuels et Guides, le premier en 1997 intitulé « Guide méthodologique d’aide à la Gestion Intégrée des Zones Côtières », puis le second en 2001 intitulé « Des outils et des hommes pour une Gestion Intégrée des Zones Côtières ». Les deux volumes ont pour ambition d’aider à construire un système d’information cohérent d’aide à la décision et de guider les différents
acteurs (scientifiques, opérateurs, gestionnaires…) à travers les étapes de la démarche de planification de la Gestion Intégrée des Zones Côtières. L’accent est donc mis sur l’acquisition de données précises, continues, variées et sur leur diffusion. L’intérêt du couplage de séries temporelles de mesures in situ et de données issues de la télédétection est également souligné : il s’agit de mettre en place un suivi opérationnel de la qualité des eaux côtières.
2- Qualité des eaux côtières et production primaire
Depuis 1975, l’Union Européenne met en place des directives pour la lutte contre les rejets de substances dangereuses dans l’environnement aquatique et définit des normes de qualité concernant des zones particulières. Par souci d’efficacité et de cohérence, toutes ces directives ont été rassemblées dans un seule : la Directive Cadre Eau.
Les objectifs de La Directive Cadre Eau sont d’élaborer une politique durable et intégrée, tant pour la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement que pour l’utilisation prudente et rationnelle de la ressource. Les Etats membres doivent réduire progressivement les rejets de substances toxiques « prioritaires » et mettre en place des programmes de surveillance pour garantir dans un délai de quinze ans un bon état écologique c’est-à-dire une combinaison des états biologique, physico-chimique et hydromorphologique, de toutes les eaux, superficielles (dont les eaux côtières) et souterraines.
Toutefois il existe des phénomènes naturels dans la production primaire de prolifération de microalgues qui selon les cas peuvent être toxiques. Une multitude de termes est utilisée pour décrire ces évènements (bloom, bloom toxique, bloom nuisible, marées rouges…) et est aujourd’hui rassemblée sous l’appellation internationale «Harmful Algal Bloom» (HAB), ce qui remplace la terminologie très utilisée dans le passé de «Red Tides» (marées rouges). Les HABs se réfèrent à un ensemble varié d’événements, qui ont comme caractéristiques communes une origine microalgale, et des conséquences négatives sur les activitéshumaines. Les nuisances engendrées par ces événements ne sont pas nécessairement liées à une augmentation significative de la biomasse : de nombreuses espèces responsables de HABs sont «nuisibles» à faible concentration (quelques centaines de cellules par litre).
La gestion de la qualité de l’eau est une composante essentielle de la gestion intégrée du littoral. L’aspect biologique de cette composante est sans aucun doute le plus difficile à prendre en compte, du fait de la complexité des mécanismes gouvernant la production primaire en milieu côtier et de l’impact croissant de la présence humaine sur le littoral qui a manifestement accru les perturbations écologiques, ce qui encourage le développement de blooms phytoplanctoniques toxiques.
3- Etat de l’art des efforts de gestion intégrée de la production primaire
Le suivi de la qualité des eaux côtières représente un défi pour l’océanographie opérationnelle : comment proposer un produit fiable, performant, en temps (presque) réel à des utilisateurs toujours plus exigeants (les Agences de l’Eau doivent appliquer la Directive Cadre Eau en vigueur depuis 2000, les conchyliculteurs sont de plus en plus sensibles aux périodes d’interdiction à la vente…) ? C’est le but que s’est fixé l’IFREMER à travers son nouvel outil en ligne pour le suivi de l’environnement côtier : le serveur Nausicaa. Toutefois ce serveur est limité (pour le moment) à la consultation et l’extraction de données brutes.
La combinaison des mesures in situ et des informations sur la couleur de l’eau obtenues par télédétection permettrait un gain de précision. En effet, à partir d’images satellites, il est possible de réaliser, en un délai relativement court, des cartes d’anomalies sûres, dont la couverture nuageuse aura été filtrée au mieux par krigeage, et qui permettront de détecter rapidement des blooms potentiels et de les cartographier.
L’intérêt de ce nouvel outil de surveillance de la qualité de l’eau est certain, il reste maintenant à convaincre les gestionnaires du milieu côtier de l’intégrer à leur système de gestion du littoral. Mais, grâce la mise en place d’une gestion intégrée des zones côtières au niveau européen, qui fait largement appel à l’océanographie opérationnelle, les produits issus de la télédétection sont généralement bien perçus.
Toutefois une première étape de compréhension de la dynamique spatio-temporelle de la production primaire, tant au niveau in situ que satellite, est nécessaire afin de valider les méthodes de suivi opérationnel de la qualité des eaux côtières, et expressément demandée par ces gestionnaires.
4- Résultats et Discussions
Comparaison in situ satellite
Les stations du REPHY peuvent être séparées en deux classes à partir de leurs cycles annuels de concentration de chlorophylle. Les stations sous l’influence directe d’une rivière montrent une courbe en forme de cloche (Fig. 1), qui est due à un maintien de la production primaire pendant les mois de temps clair, par un flux constant d’apport de nutriments. Les stations de Cabourg et Ouest Loscolo appartiennent à cette classe. Les autres montrent un pic printanier typique suivi par une diminution lente pendant l’été et l’automne (Fig. 2). Les concentrations in situ et satellites évoluent similairement mais on observe une variabilité plus faible sur la série temporelle de Cabourg. Ceci peut être en partie attribué à la différence de volume d’échantillonnage (connu en géostatistique comme « l’effet de support »).
Représentativité des masses d’eau DCE
Afin d’étudier la représentativité de station de mesure nouvelle ou existante à l’intérieure des différentes masses d’eau, on a calculé leurs statistiques à partir des images hebdomadaires, et visualisé à l’aide du logiciel ArcGIS9©. Les moyennes et écart-types ont été calculés pour chaque pixel.
Fig. 3 –Climatologie des concentrations de chlor ophylle sur la période productive avec les limites des masses d’eau DCE et leur moyenne (droite) et leur écart-type (à gauche)
On observe sur la figure (3) une forte corrélation entre la moyenne et l’écart-type des masses d’eaux. Plus la concentration moyenne de chlorophylle est forte, plus cette concentration est variable à l’intérieur de la masse d’eau. Toutefois, certaines zones DCE, comme celle autour de la station de Cancale, peuvent avoir une faible moyenne et un fort écart-type. Ces zones semblent donc assez mal désignées pour représenter la production du phytoplancton. Une classification sur la représentativité ou non des pixels inclus dans les masses d’eau a été réalisée. Cette classification est basée sur l’écart de ces pixels par rapport à la moyenne de leurs zones, tout en prenant en compte les écart-types de celles-ci. Un pixel sera considéré comme représentatif de la masse d’eau si saconcentration moyenne en chlorophylle Cp est dans le voisinage la moyenne m de cette masse d’eau. Cette condition peut être exprimée de la manière suivante :
où sigma est l’écart-type de la masse d’eau
Fig. 4- Représentativité des pixels à l’intérieur des limites DCEen baie du Mont Saint-Michel (gauche) et en baie de Vilaine (droite)
Sur la figure 4, dans les deux cas les pixels sélectionnés sont localisés entre deux isolignes centrées
sur la moyenne de la masse d’eau. Toutefois dans le premier cas c’est cette distribution des isolignes qui entraînent le fort écart-type, discuté plus haut, en baie du Mont Saint-Michel. Est-ce judicieux d’avoir partagé cette baie de cette manière ? C’est une des questions qu’il faut discuter avec les acteurs locaux. Tout comme la mise en place de nouvelles stations de mesure, cet étude permettra d’aider ces acteurs dans leurs décisions.
A partir de ces comparaisons entre les données satellites et in situ à certaines positions emblématiques le long de la côte, on peut conclure que ces jeux de données peuvent être utilisés ensemble dans un suivi opérationnel de la concentration de chlorophylle. La classification finale des masses d’eau sera basée sur de nombreux paramètres dont la chlorophylle fait partie. La distribution spatiale du phytoplancton et la représentativité des limites DCE par rapport à cette distribution sont maintenant illustrées par des cartes issues du logiciel ArcGIS©, et celles-ci serviront aux acteurs locaux, notamment aux Agences de l’Eau pour l’implantation de nouvelles stations de mesures plus représentatives des masses d’eau. U ne discussion rassemblant fournisseurs de données et utilisateurs sera entreprise dans les mois prochains pour déterminer, au vu de ces résultats, les meilleures solutions envisageables.