Journées de la Topographie
du 2 au 4 octobre 2006

Loïc LOZAC’H

I NTEGRATION DANS UN  SIG  DE DONNEES ISSUES DE CAPTEURS
SATELLITES EN COMPARAISON DE DONNEES IN SITU POUR LE
SUIVI DE LA QUALITE DES EAUX COTIERES  

 

Société d’accueil : HOCER - IFREMER
Directeur (directrice) du PFE : M. DELMAS – M. GOHIN 
Correcteurs : Mme LANDES – M. KOEHL
PFE présenté par : Loïc LOZAC’H

De  plus  en  plus  de  populations  humaines  vivent  sur  la  côte  ou  près  du  littoral,  et  cet  espace  est  devenu en quelques décennies une zone de conflits d’intérêts extrêmement forts et complexes, ayant  pour facteur commun la qualité de l’eau. La qualité del’eau est essentielle à la protection de la santé  humaine, à la préservation et à la restauration du patrimoine écologique, mais aussi à la durabilité des  débouchés  économiques  que  représentent  la  conchyliculture,  l’aquaculture  et  le  tourisme.  Pour  prévenir les effets nuisibles de la pollution de l’eau, ilest de ce fait nécessaire de surveiller et contrôler  sa  qualité.  Par  ailleurs,  l’impact  croissant  de  la  présence  humaine  sur  la  zone  côtière  a  créé  un  déséquilibre qui a manifestement accru les perturbations écologiques. Symptômes de l’anthropisation,  la  pollution  croissante  en  nutriments,  la  destruction  d’habitats  naturels,  le  remaniement  des  cours  d’eau,  l’introduction  d’espèces  non  indigènes  et  la  diminution  de  la  biodiversité,  sont  autant  de  facteurs  qui  peuvent  encourager  le  développement  de  blooms  phytoplanctoniques  toxiques,  ou  « HABs » (Harmful Algal Blooms), qui peuvent produire des toxines puissantes. Au niveau international,  la volonté de protéger l’environnement marin – et les zones côtières en particulier – de ce danger est  unanime. Or un système efficace de surveillance desHABs nécessite des estimations de l’état de la  qualité de l’eau près de la surface et en eau profonde.

1-   Gestion intégrée des zones côtières

Le patrimoine naturel littoral est menacé, et cette menace est l’aboutissement d’un long processus de  lente  dégradation :  l’histoire  du  littoral  est  marquée  par  une  urbanisation  et  une  industrialisation  incessantes parallèlement à une dégradation générale de la qualité des eaux littorales et côtières et à  l’épuisement   des   ressources   halieutiques   ou   des   gisements   minéraliers.   En   dépit   de   cette  dégradation,  l’attraction  pour  cet  espace  ne  cesse de  s’accroître  si  bien  que  plus  de  60%  de  la  population mondiale vivra dans une bande littorale de 50km d’ici deux à trois décennies, ce qui pèsera  lourdement sur l’environnement et ses ressources.Le littoral est par conséquent une zone de conflits  d’intérêts extrêmement forts dans laquelle les nombreux acteurs doivent coexister.
Les  difficultés  de  préservation  et  de  gestion  des  zones  côtières  proviennent  de  plusieurs  causes.  Ainsi, l’absence de définition précise du littoral s’ajoute à la complexité d’une juridiction séparée pour  les  milieux  terrestres  et  marins,  complexité  aggravée  par  la  superposition  des  compétences  depuis  l’Etat  jusqu’aux  communes…  Cependant,  pour  assurer  le  développement  durable  du  littoral,  il  est  indispensable  que  les  acteurs  coexistent  dans  un  système  simplifié :  la  gestion  intégrée  des  zones  côtières est de ce fait devenue une nécessité.
La  mise  en  place  d’une  gestion  intégrée  des  zones  côtières  suppose  la  création  de  programmes  adaptés.  Certains  organismes  institutionnels  se  sont  livrés  à  la  rédaction  d’une  aide  conceptuelle,  comme  la  Commission  Océanographique  Intergouvernementale    de  l’UNESCO  qui  a  produit  deux  volumes  dans  la  série  de  Manuels  et  Guides,  le  premier  en  1997  intitulé  « Guide  méthodologique  d’aide à la Gestion Intégrée des Zones Côtières », puis le second en 2001 intitulé « Des outils et des  hommes  pour  une  Gestion  Intégrée  des  Zones  Côtières ».  Les  deux  volumes  ont  pour  ambition  d’aider à construire un système d’information cohérent d’aide à la décision et de guider les différents

acteurs   (scientifiques,   opérateurs,   gestionnaires…)   à   travers   les   étapes   de   la   démarche   de  planification de la Gestion Intégrée des Zones Côtières.   L’accent est donc mis sur l’acquisition de données précises, continues, variées et sur leur diffusion.  L’intérêt  du  couplage  de  séries  temporelles  de  mesures in  situ  et  de  données  issues  de  la  télédétection est également souligné : il s’agit de mettre en place un suivi opérationnel de la qualité  des eaux côtières.

2-   Qualité des eaux côtières et production primaire

Depuis  1975,  l’Union  Européenne  met  en  place  des  directives  pour  la  lutte  contre  les  rejets  de  substances dangereuses dans l’environnement aquatique et définit des normes de qualité concernant  des zones particulières. Par souci d’efficacité et de cohérence, toutes ces directives ont été rassemblées  dans un seule : la Directive Cadre Eau.
Les objectifs de La Directive Cadre Eau sont d’élaborer une politique durable et intégrée, tant pour la  protection  et  l’amélioration  de  la  qualité  de  l’environnement  que  pour  l’utilisation  prudente  et  rationnelle  de  la  ressource.  Les  Etats  membres  doivent  réduire  progressivement  les  rejets  de  substances toxiques « prioritaires » et mettre en place des programmes de surveillance pour garantir  dans  un  délai  de  quinze  ans  un  bon  état  écologique  c’est-à-dire  une  combinaison  des  états  biologique, physico-chimique et hydromorphologique, de toutes les eaux, superficielles (dont les eaux  côtières) et souterraines.
Toutefois   il   existe   des   phénomènes   naturels   dans   la   production   primaire   de   prolifération   de  microalgues qui selon les cas peuvent être toxiques. Une multitude de termes est utilisée pour décrire  ces  évènements   (bloombloom  toxique,  bloom  nuisible,  marées  rouges…)  et  est  aujourd’hui  rassemblée  sous  l’appellation  internationale  «Harmful  Algal  Bloom»  (HAB),    ce  qui  remplace  la  terminologie très utilisée dans le passé de «Red Tides» (marées rouges). Les HABs se réfèrent à un  ensemble varié d’événements, qui ont comme caractéristiques communes une origine microalgale, et  des   conséquences   négatives   sur   les   activitéshumaines.   Les   nuisances   engendrées   par   ces  événements ne sont pas nécessairement liées à une augmentation significative de la biomasse : de  nombreuses  espèces  responsables  de  HABs  sont  «nuisibles»  à  faible  concentration  (quelques  centaines de cellules par litre). 
La  gestion  de  la  qualité  de  l’eau  est  une  composante  essentielle  de  la  gestion  intégrée  du  littoral.  L’aspect biologique de cette composante est sans aucun doute le plus difficile à prendre en compte,  du  fait  de  la  complexité  des  mécanismes  gouvernant  la  production  primaire  en  milieu  côtier  et  de  l’impact croissant de la présence humaine sur le littoral qui a manifestement accru les perturbations  écologiques, ce qui encourage le développement de blooms phytoplanctoniques toxiques. 

3-   Etat de l’art des efforts de gestion intégrée de la production primaire

Le  suivi  de  la  qualité  des  eaux  côtières  représente  un  défi  pour  l’océanographie  opérationnelle :  comment proposer un produit fiable, performant, en temps (presque) réel à des utilisateurs toujours  plus  exigeants (les  Agences  de  l’Eau  doivent  appliquer  la  Directive  Cadre  Eau  en  vigueur  depuis  2000, les conchyliculteurs sont de plus en plus sensibles aux périodes d’interdiction à la vente…) ?  C’est  le  but  que  s’est  fixé  l’IFREMER  à  travers  son  nouvel  outil  en  ligne  pour  le  suivi  de  l’environnement  côtier :  le  serveur  Nausicaa.  Toutefois  ce  serveur  est  limité  (pour  le  moment)  à  la  consultation et l’extraction de données brutes. 
La  combinaison  des  mesures  in  situ  et  des  informations  sur  la  couleur  de  l’eau  obtenues  par  télédétection permettrait un gain de précision. En effet, à partir d’images satellites, il est possible de  réaliser, en un délai relativement court, des cartes d’anomalies sûres, dont la couverture nuageuse  aura  été  filtrée  au  mieux  par  krigeage,  et  qui  permettront  de  détecter  rapidement  des  blooms  potentiels et de les cartographier.
L’intérêt  de  ce  nouvel  outil  de  surveillance  de  la qualité  de  l’eau  est  certain,  il  reste  maintenant  à  convaincre les gestionnaires du milieu côtier de l’intégrer à leur système de gestion du littoral. Mais,  grâce  la  mise  en  place  d’une  gestion  intégrée  des  zones  côtières  au  niveau  européen,  qui  fait  largement   appel   à   l’océanographie   opérationnelle,  les   produits   issus   de   la   télédétection   sont  généralement bien perçus.

Toutefois une première étape de compréhension de la dynamique spatio-temporelle de la production  primaire,  tant  au  niveau  in  situ  que  satellite,  est  nécessaire  afin  de  valider  les  méthodes  de  suivi  opérationnel de la qualité des eaux côtières, et expressément demandée par ces gestionnaires.

4-   Résultats et Discussions

Comparaison in situ satellite

Les stations du REPHY peuvent être séparées en deux classes à partir de leurs cycles annuels de  concentration de chlorophylle. Les stations sous l’influence directe d’une rivière montrent une courbe  en forme de cloche (Fig. 1), qui est due à un maintien de la production primaire pendant les mois de  temps  clair,  par  un  flux  constant  d’apport  de  nutriments.  Les  stations  de  Cabourg  et  Ouest  Loscolo  appartiennent à cette classe. Les autres montrent un pic printanier typique suivi par une diminution  lente pendant l’été et l’automne (Fig. 2). Les concentrations in situ et satellites évoluent similairement  mais on observe une variabilité plus faible sur la série temporelle de Cabourg. Ceci peut être en partie  attribué  à  la  différence  de  volume  d’échantillonnage  (connu  en  géostatistique  comme  « l’effet  de  support »).

Représentativité des masses d’eau DCE 

Afin  d’étudier  la  représentativité  de  station  de  mesure  nouvelle  ou  existante  à  l’intérieure  des  différentes  masses  d’eau,  on  a  calculé  leurs  statistiques  à  partir  des  images  hebdomadaires,  et  visualisé  à  l’aide  du  logiciel  ArcGIS9©.  Les  moyennes  et  écart-types  ont  été  calculés  pour  chaque  pixel.

Fig. 3Climatologie des concentrations de chlor  ophylle sur la période productive avec les limites des masses d’eau DCE et  leur moyenne (droite) et leur écart-type (à gauche)
On observe sur la figure (3) une forte corrélation entre la moyenne et l’écart-type des masses d’eaux.  Plus  la  concentration  moyenne  de  chlorophylle  est  forte,  plus  cette  concentration  est  variable  à l’intérieur de la masse d’eau. Toutefois, certaines zones DCE, comme celle autour de la station de  Cancale, peuvent avoir une faible moyenne et un fort écart-type. Ces zones semblent donc assez mal  désignées pour représenter la production du phytoplancton.  Une  classification  sur  la  représentativité  ou  non  des  pixels  inclus  dans  les  masses  d’eau  a  été  réalisée.  Cette  classification  est  basée  sur  l’écart  de  ces  pixels  par  rapport  à  la  moyenne  de  leurs  zones,  tout  en  prenant  en  compte  les  écart-types  de  celles-ci.  Un  pixel  sera  considéré  comme  représentatif de la masse d’eau si saconcentration moyenne en chlorophylle Cp est dans le voisinage  la moyenne m de cette masse d’eau. Cette condition peut être exprimée de la manière suivante :

où  sigma   est l’écart-type de la masse d’eau

Fig. 4- Représentativité des pixels à l’intérieur des limites DCEen baie du Mont Saint-Michel (gauche) et en baie de Vilaine  (droite)
Sur la figure 4, dans les deux cas les pixels sélectionnés sont localisés entre deux isolignes centrées 
sur la moyenne de la masse d’eau. Toutefois dans le premier cas c’est cette distribution des isolignes  qui  entraînent  le  fort  écart-type,  discuté  plus  haut,  en  baie  du  Mont  Saint-Michel.  Est-ce  judicieux  d’avoir  partagé  cette  baie  de  cette  manière ?  C’est  une  des  questions  qu’il  faut  discuter  avec  les  acteurs locaux. Tout comme la mise en place de nouvelles stations de mesure, cet étude permettra  d’aider ces acteurs dans leurs décisions.

A partir de ces comparaisons entre les données satellites et   in situ à certaines positions emblématiques   le long de la côte, on peut conclure que ces jeux de données peuvent être utilisés ensemble dans un  suivi opérationnel de la concentration de chlorophylle. La classification finale des masses d’eau sera  basée sur de nombreux paramètres dont la chlorophylle fait partie.   La distribution spatiale du phytoplancton et la représentativité des limites DCE par rapport à cette  distribution sont maintenant illustrées par des cartes issues du logiciel ArcGIS©, et celles-ci serviront  aux  acteurs  locaux,  notamment  aux  Agences  de  l’Eau  pour  l’implantation  de  nouvelles  stations  de  mesures plus représentatives des masses d’eau. U ne discussion rassemblant fournisseurs de données  et  utilisateurs  sera  entreprise  dans  les mois  prochains  pour  déterminer,  au  vu  de  ces  résultats,  les  meilleures solutions envisageables.

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